lundi 17 octobre 2022

 ATHENA - de Romain GAVRAS.

2022 - Drame. 1 h 37

Rappelé du front à la suite de la mort de son plus jeune frère, décédé des suites d’une prétendue intervention de police, Abdel (Dali Benssalah) retrouve sa famille déchirée. Entre le désir de vengeance de son petit frère Karim et le business en péril de son grand frère dealer Moktar (Ouassini Embarek), il essaye de calmer les tensions. Minute après minute, la cité Athena se transforme en château fort, théâtre d’une tragédie grecque et collective à venir. Au moment où chacun pense avoir trouvé la vérité, la cité est sur le point de basculer dans le chaos…
Film profondément nihiliste où prenant pour base une tragédie grecque - rapport au titre - Romain Gavras nous propose le spectacle d'un destin déjà scellé de trois frères mais aussi de tout un quartier dont l'unique porte de sortie serait la destruction. 
Ce n'est pas un énième film sur la banlieue que nous avons ici mais un métrage sur le désespoir et notamment le désespoir de la jeunesse qui en arrive, poussé à bout, à s'autodétruire après avoir détruit le monde qui l'entoure. Rien, pas une note d'espérance, rien ne viendra sauver ces jeunes, ni cette famille, de la tragédie dans laquelle ils ont plongé. Et cette image - terrible - à la fin où l'on voit un gilet estampillé "Police" jeté au feu. La "Police" - POLIS - qui signifie, au sens littéral du terme, l'ordre - sous-entendu l'ordre des choses - être consumé dans les flammes comme pour nous dire, à nous spectateurs, que la seule manière de sortir de l'impasse, c'est par la destruction. Détruire. Pour reconstruire ? Même pas. Il n'y a pas d'autre vainqueur que la fuite vers l'inconnu. Ces habitants qui fuient leurs logements, tel un exode, après que ceux-ci aient été ravagés et pillés. Ces frères qui, n'ayant plus rien à attendre ni de la vie ni des autorités publiques, préfèrent la mort à tout autre chose. Ce n'est pas la banlieue que nous présente Gavras dans ce film mais le reflet de notre propre société qui, selon lui, est parvenue à un point de non retour. Il suffirait d'une simple étincelle pour que tout s'embrase. Film prophétique ? Peut-être que la destruction est déjà amorcée en nous-mêmes et que nous sommes ainsi nos propres agents de notre extinction. En tout cas, le film ne laisse rien espérer. Pas même de la police, dès lors rendue impuissante face à la masse de jeunes désabusés, trahis et trompés par plus de quarante ans de fausses promesses et générations après générations, troublés par une sourde colère et de profonds ressentiments qui, comme le couvercle d'une cocotte-minute sous pression, ne demande qu'à exploser. 
Nous en sommes là de l'état de la société aujourd'hui. Et peut-être même du monde. "Athéna" est un film qui marque plus que la banlieue. C'est un film qui nous interroge et nous interpelle, prend à parti le spectateur en nous jetant sous nos yeux des images qui frappent et nous glacent que l'on reçoit comme un coup de poing en plein visage. Il nous montre ce que, depuis longtemps, on ne veut pas voir. Il nous impose d'ouvrir les yeux sur une réalité que l'on cherche à fuir. Mais là, plus question de fuir. La solution à tout cela, c'est qu'il n'y a plus de solution et que tout est fini, perdu, pire : que la confiance que l'on pouvait encore avoir envers les garants de l'ordre public est trahie. Et quand la confiance est trahie, il n'y a plus aucune solution que la guerre de tous contre tous, une guerre qui, généralement, finit an suicide collectif. 
Un film à voir donc sur le plan symbolique et métaphorique. Chacun jugera.



 Simone, le voyage du siècle

Olivier DAHAN (2022) - Drame - 2 h 20.

Nous connaissons tous la vie et les engagements de cette femme exceptionnelle, pleine de convictions, qu'était Simone Veil. Elle était déjà rentrée dans l'histoire en tant que survivante de l'Holocauste, pacifiste et Européenne convaincue, militante ardente pour le droit et la dignité des femmes, notamment dans le domaine de l'avortement qui fut l'un de ses plus grands combats. Il ne manquait alors qu'un film - un long métrage - pour lui rendre hommage et préserver sur la pellicule une trace de son existence, fût elle jouée par des actrices de qualité, afin de permettre aux générations futures de continuer à perpétuer son héritage.
Remarquable Elsa Zylberstein campant ainsi une Simone Veil presque authentique, dans un rôle de composition où elle s'est totalement investie. Elle laisse apparaître une Simone plus vraie que nature, dans toutes ses qualités, ses doutes, sa ténacité et sa lutte contre les préjugés de toutes sortes, sans jamais faillir, toujours fidèle à la vérité et dans un seul souci de la dignité de l'humain.
Tel fut Simone Veil.
Femme d'exception, femme remarquable. Femme dans toute sa splendeur que retranscrit parfaitement ce film où l'on navigue dans ses souvenirs comme dans un labyrinthe où tout se mêle, s'entrecroise, comme un mille-feuilles. Mais où tout prend sens, une mémoire en appelant une autre. Brillamment interprété par un duo de comédiennes extraordinaires (Elsa Zylberstein et Rebecca Madder) et agréablement servi par une mise en scène soignée, ce film est un chef-d'oeuvre à la hauteur de cette grande dame. Il est ce que devrait être un biopic aujourd'hui. Se concentrant sur les faits, nous faisant réfléchir, penser, en même temps que les images viennent nous frapper de plein fouet parfois jusqu'à la nausée et l'écœurement, nous bouleversant dans nos propres certitudes. Parfois, nos yeux se rempliront de larmes, nous laissant gagner à une profonde tristesse car à moins de manquer d'humanité, nous ne pouvons rester insensibles quant à certains combats que mena Simone Veil au cours de sa carrière. Le droit à l'avortement, bien sur, mais aussi sa lutte pour obtenir des conditions dignes aux prisonniers, ses engagements pour une Europe de paix, elle qui avait traversé les pires horreurs de la guerre. Mais aussi son combat pour la mémoire, contre l'oubli, pour que les générations futures savent et continuent à leur manière de résister. Ce film est une œuvre de combat mettant en son centre une combattante et une guerrière. Ses armes étant les mots et l'esprit. Simone Veil aura toujours su rester vraie, recherchant toujours elle-même la vérité au mensonge, laissant celui-ci l'apanage des médias et des politiciens. 
Car Simone Veil n'était pas une politicienne. Mais elle avait la vocation de mettre un terme aux souffrance des hommes (et des femmes, bien sur) - de l'humanité au sens large - en se posant comme juriste, tout d'abord, puis comme militante avec toujours, en son coeur, le souvenir douloureux de sa propre expérience dans les camps de la mort où elle avait expérimenté dans sa chair ce rabaissement auquel elle fut soumise. 
C'est donc un film fort que nous offre ici Olivier Dahan. Un film testament. A travers l'exemple de cette dame, c'est un exemple. Un exemple pour peut-être des milliers de jeunes qui iront voir ce film. A un moment de notre histoire où malheureusement ces combats ne sont plus que jamais encore d'actualité car remis en cause par des imbéciles. 
Ce film contribue à lui seul au devoir de mémoire. Et c'est un rappel de certaines valeurs, de certains fondamentaux que nous sommes amenés à défendre, comme Simone Veil en son temps. 
Puisse ce film susciter à nouveau des vocations.







Les "Bérets Verts" : propagande pro-guerre assumée ou banal film de guerre ?

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